Sarkologies by Maffesoli Michel

Auteur:Maffesoli, Michel [Maffesoli, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: essai, société, politique, La Gang©
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2010-09-30T17:00:00+00:00

Notes

29 . François-René de Chateaubriand. Mémoires d’outre-tombe, Gallimard, Pléiade, 1947, t. II, p. 874 et 872.

30 . William Shakespeare, Henry V, Gallimard, Pléiade, 1959, t. I, p. 802.

8.

La nostalgie de la société d’avant

De la morale, parlons-en en effet. On a pu lire maints articles de ces pères la Vertu qui, après l’avoir eux-mêmes bafouée en long, en large et en travers (plutôt de travers d’ailleurs), vont, commentant l’actualité, proférer que la morale est décidément une idée neuve sous ce règne. Sous-entendu : qui devrait reprendre force et vigueur pour assainir l’espace public. En pensant à l’étymologie du mot imbécile (sans bacillus, c’est-à-dire sans bâton d’appui), on croirait entendre le vieux Mitterrand, quelque peu amoraliste, les apostropher : « m’béciles » !

Ou plutôt, en lisant ces imprécations désormais rituelles, on ne peux pas ne pas songer que Saint-Just qualifiait le bonheur d’idée neuve en Europe, pendant qu’il envoyait des myriades de malheureux se faire raccourcir sur l’échafaud. C’est en effet une constante des histoires humaines, la « logique du devoir être » (Max Weber) – l’injonction de ce que doivent être le monde et les gens – d’être à l’origine de toutes les inquisitions, de toutes les épurations et de tous les appareils totalitaires, violents ou doux.

Baudelaire disait : « Tous les imbéciles de la bourgeoisie qui promeuvent sans cesse les mots : immoral, immoralité […] me font penser à Louise Villedieu, putain à cinq francs, qui, m’accompagnant une fois au Louvre, où elle n’était jamais allée, se mit à rougir, à se couvrir le visage, et me tirant par la manche, me demandait, devant les statues et les tableaux immortels, comment on pouvait étaler publiquement de pareilles indécences31. » Il en est de même des moralistes contemporains, dont Kahn (Jean-François), Julliard (Jacques), Courtois (Gérard), Plenel (Edwy), Apathie (Jean-Michel) et tant d’autres sont les figures emblématiques, répétant tous les jours dans leurs bulletins paroissiaux leur credo anti-Sarkozy. C’est le « publiquement » qui les gêne. Ils sont prêts, derrière le mur de la vie privée, à faire toutes sortes de turpitudes, mais il faut respecter les convenances. Et leur cible ne les respecte en rien. Il ne prend pas de gants.

Les cris d’orfraie de ce chœur de vierges éplorées importent peu. Advienne que pourra. En fait, on peut dire de ces bobos hypocritement puritains ce que Marx disait des bourgeois de son temps : « Ils n’ont pas de morale, ils se servent de la morale. » Mais ils savent s’en servir à hauts cris, utilisant, en ces temps de basses eaux théoriques, toutes les ficelles médiatiques pour faire pleurer les anciens de la Ligue ou du Parti (communistes cela s’entend).

Dans ce climat de suspicion, le mot corruption va se décliner de multiples manières. Les imprécateurs vont considérer que cette corruption est cautionnée par un président qui l’est par nature (puisqu’il fréquente les grands et les riches de ce monde) et que les ministres, le gouvernement, l’entourage, les fils, les amis, la famille le sont par naturelle contamination. Ainsi, les opposants

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